ON savait depuis des années que les deux caisses de sécurité sociale tirent le diable par la queue et que le règlement des pensions pose problème à l’Etat. Mais voilà qu’un nouveau problème se pose au gouvernement, à savoir assurer les salaires des fonctionnaires. En effet, les propos peu rassurants du ministre des Finances, Mohamed Nizar Yaïche qui a confirmé, hier, que les salaires des fonctionnaires pour les mois de septembre et octobre 2020 sont disponibles, confirment que l’Etat est englué dans cette crise.
Pour les pensions, le déficit des caisses sociales est pointé du doigt comme origine de la crise puisque 2,5 salariés seulement cotisent pour un retraité dans le secteur public contre 4,1 pour le secteur privé. Ce qui est loin, très loin de la moyenne qui est de 6 salariés par retraité. Et même si la solution envisagée réside pour le moment dans le report de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, et qu’une telle décision pourrait fournir près de 350 millions de dinars par an, soit une bouffée d’oxygène pour rebomber le torse des deux institutions, c’est, pour ainsi dire, banaliser un gros problème. Un problème qui a pour origine d’abord le chômage. Une question à laquelle il faut trouver une solution et qui est au carrefour de tous les maux sociaux, économiques et politiques.
Cependant, pour les salaires, et c’est une première très grave en Tunisie, c’est l’incapacité à boucler le budget de l’Etat et à mobiliser les ressources nécessaires qui serait derrière cette situation délicate. Pour pallier la sinistrose ambiante au niveau des finances publiques, le ministre des Finances a souligné qu’un programme de travail a été conçu pour assurer le financement du budget de l’Etat, y compris les salaires des fonctionnaires pour les mois à venir. En effet, l’Etat fera encore une fois appel à une banque locale pour lubrifier les comptes publics qui sont à sec. Pour le remboursement de ses dettes locales, l’Etat fera une nouvelle fois un prêt auprès du FMI qui lui fournira une lampée qui ne fera qu’augmenter notre dette extérieure qui continue sa progression exponentielle.
Sauf que ce recours au FMI est un appel en détresse d’un pays aux finances publiques mises à mal. Surtout que depuis que les bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, sont montés au créneau, en menaçant de bloquer les décaissements programmés des tranches restantes des prêts accordés. En effet, le pays, selon ces institutions de Bretton Woods, se rapproche à grands pas d’une « dangereuse impasse financière ».
Ils redoutent que, contrairement aux termes et objectifs d’octroi, les nouveaux emprunts servent, pour l’essentiel, à rembourser les anciens crédits et à payer les salaires des fonctionnaires. De ce fait, ils craignent que l’emploi des prêts ne serve nullement au développement et à l’investissement public.
En effet, depuis 2010, l’endettement public de la Tunisie a poursuivi une trajectoire haussière. Les chiffres l’attestent. Car la question qui se pose est à quoi sert cette dette ? Elle ne sert qu’à financer une partie du budget de l’Etat, non pas à financer les dépenses d’investissement pour construire des autoroutes, des hôpitaux, des écoles…et à régler une partie uniquement du principal de la dette ! Il est clair que la dette est actuellement gérée d’une manière passive, qu’elle est employée à des fins non productives et ne génère pas les revenus indispensables à son remboursement. D’où ce déséquilibre non soutenable qui a rendu le paiement des salaires une angoisse permanente.